Les robots logiciels - ou bots comme on les appelle - font aux processus commerciaux ce que l'automatisation a fait à l’industri il y a des décennies. Que cela signifie-t-il pour la Tunisie ?

Analysons l'impact potentiel du RPA pour la Tunisie en nous appuyant sur l'exemple indien.

Pour les divisions des ressources humaines qui traitent des centaines de CV, il existe aujourd'hui des robots qui peuvent comparer les CV aux descriptions de poste, déterminer les plus pertinents et même programmer des entretiens avec ces candidats. Pour les agents des centres de contact, il existe des robots qui peuvent rapidement identifier, cataloguer et analyser l'intention d'un appelant et aider à obtenir les réponses que les clients souhaitent, rapidement.

Pour les agents des services financiers et comptables, il y a des centaines de processus entre le moment où quelqu'un passe une commande et celui où l'argent est reçu. La facture doit être prise, examinée, suivie sur plusieurs systèmes, rapprochée, le paiement doit être suivi, et quand le paiement arrive, il doit être verrouillé, et un rapprochement doit être entrepris à nouveau. L'ensemble du processus peut aujourd'hui être effectué par des robots. Or, de nombreuses sociétés de services de gestion comptables tunisiennes gérent la comptabilité de grands comptes français, en leur fournissant de la main d’œuvre bon marché qui gèrent des tâches répétitives, les mêmes tâches que l’IA et le RPA prétendent prendre en charge. On voit donc les enjeux qu’il y a pour les entreprises tunisiennes, surtout lorsque l’on sait que ces applications ne sont plus l’apanage des grandes entreprises, mais que des PME et même TPE ont désormais accès via des applications très bon marché à des fonctions d’automatisation de la gestion des justificatifs de dépense et de gestion de la facturation clients et des encaissement. Un cabinet d’expert comptable  de taille intermédiaire basé à Paris a présenté ce type d’application lors du dernier congrès de l’ordre des Experts comptables français en septembre 2019, qui invite l’ensemble des cabinets comptables français à se préparer à cette révolution ;

L'automatisation des processus robotisés (RPA) est l'une des plus grandes perturbations qui se produisent sur le lieu de travail. La RPA elle-même utilise une variété de technologies. Comme la reconnaissance de documents, le grattage d'écran - qui consiste à collecter les données d'affichage d'une application et à les traduire pour qu'une autre application puisse les afficher -, la reconnaissance de l'écriture manuscrite, et la reconnaissance optique de caractères (ROC), qui permet à un ordinateur de distinguer, par exemple, un B d'un D, même si la taille ou la police de caractères est différente.

Robots graphiques

En combinaison avec des technologies comme le traitement du langage naturel (NLP) et l'intelligence artificielle (AI), les possibilités sont infinies. Lorsque les entreprises traitent des centaines de factures, celles-ci peuvent se présenter sous différents formats : pdf, tiff, jpeg. On peut utiliser les systèmes d'IA pour former les robots à comprendre pour chaque facture, quel est le numéro de la facture, quelle est la date d'échéance, quel est le total. Et plus on s'entraîne avec de plus en plus de factures, mieux c'est.

Le groupe bancaire Société Géné rale a été l'un des premiers à adopter le RPA de manière agressive, et son centre de services partagés en a pris l'initiative. Ils ont automatisé de nombreux processus, créé des dizaines de guichets dans les domaines des ressources humaines, de la technologie et de la finance.

En 2017, SSON Analytics, un fournisseur de données sur l'industrie de l'externalisation, a déclaré qu'ANZ avait réduit les processus manuels de 85% (l'équivalent de 400 employés à plein temps). Les processus clients, qui prenaient jusqu'à cinq jours pour être exécutés, ont été ramenés à 24 heures. Les erreurs ont diminué. Et si l'équipe marketing planifiait une nouvelle campagne pour promouvoir les inscriptions par carte de crédit, elle pourrait utiliser des robots pour traiter rapidement le processus concerné. Auparavant, ils devaient planifier cela des mois à l'avance afin d'engager suffisamment de nouveaux employés (souvent temporaires) pour faire face à l'afflux de nouvelles demandes de cartes de crédit.

Des pays qui ont des industries de main d’œuvre proche de celle de la Tunisie, même si déployée à une toute autre échelle a déjà entamé sa mue vers le RPA. Suman Reddy Eadunuri, directeur général de Pegasystems India, fournisseur de services RPA, explique que Radial, qui gère un centre de contact de 9 000 personnes pour de nombreuses marques de détail, a réduit les processus communs de service à la clientèle de quelques minutes à quelques secondes, a réduit le temps de traitement des appels à 30 secondes et a amélioré la résolution au premier contact jusqu'à 6 points de pourcentage après la mise en œuvre de la RPA.

Le directeur général de Blue Prism pour l'Inde, Peter Gartenberg, affirme que les travailleurs numériques (bots) sont plus rapides, plus précis et assurent une meilleure conformité et sécurité. Lors des vérifications de crédit pour l'approbation des prêts, où de nombreuses données doivent être saisies, les travailleurs numériques peuvent faire beaucoup de choses en parallèle, contrairement aux humains qui ne peuvent le faire que de manière séquentielle.

Les tâches qui sont effectuées par une seule personne et qui sont de nature répétitive sont automatisées. Les tâches qui nécessitent la participation d'un groupe continueront à être effectuées par des humains à l'heure actuelle.Sudhir Mahale

"Les travailleurs du numérique sont plus précis car les humains n'aiment pas faire un travail répétitif et s'ennuient (ce qui entraîne des erreurs). Ils veillent également au respect des règles, car ils font ce qu'on leur dit, contrairement aux humains qui commettent des erreurs intentionnelles et involontaires", explique M. Gartenberg. La RPA est également très rentable, selon Raghunath Subramanian, PDG de UiPath India. "Nous avons vu des clients obtenir des retours massifs en trois mois, six mois. Aucun autre projet ne peut le promettre", dit-il. Cela s'explique en grande partie par le fait que les entreprises de RPA ont développé des plateformes qui ont permis aux non-programmeurs de créer des robots en toute simplicité.

Mais RPA signifie aussi que beaucoup de travaux manuels actuels vont disparaître. Inévitablement, ceux qui font ce travail devront se perfectionner pour assumer des rôles plus créatifs. "Les gens sont aussi devenus des superviseurs de robots et de personnes. Si je dirigeais une équipe de 20 personnes, effectuant un nombre x de transactions, maintenant avec 20 personnes et 30 robots, je fais x plus y transactions", indique le dirigeant d’un centre de service français. Une inspiration pour ses concurrents Tunisiens s’il en fallait.